Une rencontre. { PV Ash }

Ash Ezo se déplaçait très rarement en personne ; et encore moins pour faire ce que sa Seconde appelait ironiquement du « tourisme » ! En réalité, même si à la base c’était bel et bien lui le Boss du clan Ezo, il n’était simplement pas « autorisé » à quitter Eprona comme bon lui semblait. Tout d’abord, parce que Nathalia en avait décidé ainsi : selon elle, un Boss digne de ce nom devait obligatoirement rester cloîtré à l’intérieur de sa « base secrète » pour notamment s’acquitter de ses responsabilités, régler les problèmes et bien entendu, diriger efficacement ses hommes ; et ensuite, parce que pour quelqu’un comme lui rester caché était synonyme de survie... En effet, étant la tête du clan, il aurait été mal venu pour Ash de se faire abattre, capturé ou pire encore ; Nathalia ne le permettrait jamais ! Enfin, comme il était tout de même un des criminels les plus recherchés du pays, ses hommes ne pouvaient s’empêcher d’appréhender ses sorties en solo, et c’était d’ailleurs au nom de cette inquiétude maladive que la jolie blonde tenait à le garder à portée de main comme de vue. Seulement voilà, si Ash devait se contenter de quitter Eprona uniquement lors des abordages plus importants qui requéraient donc sa noble présence, il allait devenir fou ; ce n’était pas plus compliqué que ça ! Lui qui avait toujours vécu libre de ses mouvements, dans la rue et le froid de l’hiver, lui qui avait bâti Eprona de ses mains, jamais il n’accepterait que ce refuge, sa désormais « maison », ne devienne un jour synonyme de prison. Jamais. Alors il se faisait la belle. Il partait, seul, quittant Eprona et les siens pour quelques heures, quelques nuits ou quelques jours... Parce qu’il le fallait, simplement.

Aujourd’hui n’échappait donc pas à la règle. En effet, fatigué des réunions chiantes que lui avait imposé Nathalia, Ash avait tout simplement décidé de faire une pause, histoire de décompresser un peu. Il était donc gentiment parti pour Anthélima, une ville qu’il affectionnait tout particulièrement, et avait passé sa journée à flâner dans les rues et ruelles de la capitale surienne, sans but précis, juste pour « faire quelque chose ». Ce n’était pas exactement ce qu’on pourrait appeler la « grande éclate », certes, mais Ash aimait le rythme frénétique et puissamment vivant de la ville. Il aimait se fondre dans la population surienne et créer l’illusion, faire croire l’espace de quelques heures qu’il appartenait lui aussi à tous ces gens simples et parfaitement normaux qui se pressaient sur les pavés d’Anthélima. C’était... reposant. Finalement, ses pas distraits le menèrent sur ce qu’il identifia comme étant le terrain d’entraînement d’une grappe de Sentinelles apparemment très peu expérimentées : aucune classe, aucune dignité dans leur façon d’appréhender leurs ordres de mission. En un mot, la jeune « relève » semblait plus pitoyable que prometteuse ; à ses yeux, du moins. Cependant, compte tenu de leur supériorité numérique et de la présence d’un élément expérimenté, Ash ne préféra pas tenter le diable (d’autant plus qu’il n’était pas exactement venu pour bastonner le premier uniforme qui se présenterait à lui !) et bifurqua donc tranquillement à l’angle de la rue, s’éloignant nonchalamment de la zone « infestée ». De cette manière, le jeune Boss pensait être définitivement débarrassé d’une potentielle gêne et pouvoir ainsi continuer sa petite « promenade » sans encombre. Hélas, c’était sans compter sur le deuxième élément expérimenté du groupe, une jeune fille à la chevelure rousse qu’il n’avait jusqu’alors pas remarquée. Elle, par contre, semblait l’avoir parfaitement identifié, puisqu’elle venait purement et simplement de le prendre en chasse. Mais bon... Malheureusement pour la demoiselle (qui se déplaçait pourtant avec une discrétion assez appréciable), elle ne pouvait tout simplement pas ne pas être repérée ; pas avec de telles pulsions meurtrières à son encontre, en tout cas ! Ash avait toujours été sensible à son environnement et aux gens qui l’entouraient ; sa perception de ce qu’il appelait habituellement « l’aura » était excellente, ce qui lui permettait de repérer rapidement tout mouchard ou espion, surtout quand ces derniers nourrissaient des pensées peu appréciables à son égard. Par ailleurs, la Sentinelle qui venait de le prendre en chasse semblait être très jeune : il lui donnait aux alentours de 17 ans, et sa hargne n’avait d’égale que sa détermination à le suivre sans le perdre de vue. Pourtant, s’il l’avait réellement voulu, Ash savait qu’il aurait été parfaitement capable de semer l’intrus : après tout, il connaissait les rues de cette ville comme sa poche ! Il y avait grandi, vécu, souffert... Personne ne le battrait sur son propre territoire, jamais ! Seulement voilà, l’ennui aidant, Ash décida finalement de s’amuser un peu : il la promena dans tout Anthélima pendant près de deux heures, avant de l’entraîner à l’extérieur de la ville, en pleine campagne. Là-bas, lassé du jeu, Ash se stoppa, encouragé par le « Ash Ezo... » plein de haine que la roussette lui avait sifflé.

– Le jeu se termine ici. Retourne-toi.

La voix claire de la gamine aux cheveux roux avait claqué dans l’air, comme un fouet meurtrier. Ferme, décidée et incisive... elle tranchait, tout comme un couteau aiguisé sur la pierre entamait la chaire... Quel culot... Comment cette gamine tout juste tombée de son berceau osait s’adresser à lui de cette façon ? Comment osait-elle le tutoyer ? Comment osait-elle ne serait-ce que penser lui donner un ordre... ?! C’était du délire ! Mais bon, quelque part, c’était amusant, d’autant plus que la jeune fille avait apparemment fini par se rendre que celui qui menait réellement la danse depuis le début n’était autre que lui... L’hardiesse et l’orgueil qu’il sentait bouillir chez la jeune rousse arracha même un petit sourire mutin à Ash qui, grisé, se retourna lentement, comme pour faire perdurer le suspense. Il passa ensuite quelques minutes à la détailler des pieds à la tête. La jeune fille en question n’était pas bien grande, mais comme il était lui-même aussi haut qu’un gosse de 13 ans, il n’allait pas critiquer. Disons juste que question taille (aussi rageant que c’était de le reconnaître !), ils se valaient.

– Bien. À qui ai-je l’honneur ?