De deux personnages connus, et de leur rencontre. [Ondyne Altford - Paul-Theodoric Philipp]

Un salon de thé situé dans les quartiers riches, à quoi cela peut-bien ressembler? À tous les salons de thé de ces dits quartiers à vrai dire. Mais ce serait erreur de penser que tous sont identiques, et 'Chez Odette' est d'un genre bien particulier.

Rendez-vous favori des dames de la Haute qui souhaitent d'échanger en toute impudence les dernière nouvelles et ragots des grands de cette ville, la clientèle est ponctuée de personnages masculins - ceux-ci se rassemblent bien souvent pour savourer un bon cigare avec leur boisson chaude. L'ambiance y est feutrée, avec de temps à autres de légers sursauts bruyants dans les conversations féminines notamment, lorsque l'une d'entre-elles laisse échapper un rire volontairement vocalisé à son paroxysme afin de se montrer. Car c'est aussi l'un des lieux où l'on se montre. Quel meilleur moyen pour faire impression que de sortir au théâtre, puis de se retrouver au salon de thé, paré de ses derniers achats?

'Chez Odette' est donc un des salons de thé les plus renommés de la ville. Les thés, cafés et autres chocolats chauds proposés ont des origines diverses et variées, les lieux d'importation étant toujours indiqués sur la carte, le goût de l'exotisme étant à la mode dans la Haute. La carte des boissons chaudes, qui comporte aussi quelques boissons froides 'grisantes', a du mal à tenir sur le triptyque dédié - mais que dire de la carte des viennoiseries et celle des 'Plaisirs à fumer'! La carte des viennoiseries, justement nommée 'Délices à déguster' comporte une variété impressionnante de croissants, pains au chocolat et aux raisins, chaussons fourrés aux fruits, et autres délicatesses à base de miel, sucre, et autres pâtes feuilletées et sablées. Les deux premières cartes sont accessibles à tous les publics, dans tout le salon. En revanche, la troisième carte est servie dans un salon annexe, situé en fond de boutique, dans une atmosphère encore plus intimiste. L'air ambiant du couloir principal est empli de volutes de fumée de toutes les senteurs et toutes les couleurs, mais ce salon est en réalité constitué de nombreux petits salons privés, et la réservation est chère, sans parler qu'elle est réservée aux adultes. On y fume toutes sortes d'herbes, avec ou sans effet sur les perceptions avec les cinq sens communs, et de toutes les façons - narghilés, pipes, cigares, et autres cigarettes

Paul-Theodoric, en sortant du théâtre où il avait assisté à une pièce très agréable, sentait que le dîner qu'il avait eu avant la pièce ne serait pas satisfaisant pour aller se coucher directement, aussi il se rendit 'Chez Odette'. Il connaissait bien ce salon de thé, et prenait parfois plaisir à savourer une herbe à fumer après un rassemblement du Conseil. C'est ainsi qu'il arriva dans le salon de thé, les sens éveillés par un petit creux à l'estomac. Il s'adressa à la propriétaire qu'il connaissait personnellement, et qui avait par ailleurs fondé l'établissement.

"Bonsoir Mademoiselle Odette.

- Bien le bonsoir! Le Conseiller Philipp n'en fait qu'à sa tête à ce que je vois, je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler 'mademoiselle' me semble-t-il, n'est-ce pas, vilain beau parleur que vous êtes, répondit-elle avec le sourire.

- Et il me semble vous avoir déjà dit que le titre 'Conseiller' ne s'appliquait que lors des sièges au Conseil, rétorqua-t-il, lui aussi le sourire aux lèvres. Je vais prendre deux croissants et une théière de thé blanc s'il vous plait. Y'a-t-il un salon pour fumer de libre ce soir?

- Oui, il y en a deux même. Je vous en réserve un, et je vous fait apporter votre commande là-bas?

- Non, je vais rester un peu ici avant, apportez-moi donc cela ici. mais réservez-moi quand même un salon je vous prie, peut-être me laisserai-je tenter par un narghilé un peu plus tard.

Odette se retira en cuisine, et Paul-Theodoric attendit sa commande. Il s'assit sur une table non loin du comptoir, où la patronne vint lui apporter sa boisson et ses viennoiseries, la note glissée dans un petit rouleau de porcelaine finement peint de motifs délicats aux couleurs de la ville. Paul-Theodoric entama son croissant tandis qu'il laissait ses pensées vagabonder en regardant la vapeur d'eau s'échapper de sa théière.

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